Vous parlerais-je d'elles et de leurs voyages ? n°4

Lorsqu'elle mourut, en 1934, Henri de Curzon écrivit à son propos :

"Elle [était], sur les scènes, dans les cabarets, dans les cours et sur la rue, une sorte de reine populaire, au cœur débordant de sympathie, de bonté, de simplicité dévouée."

Eugénie Buffet naît à Tlemcen en Algérie en novembre 1866, son père est militaire et meurt lorsqu'elle n'a que six ans. Sa mère est couturière. Un parent mal intentionné abuse de la fillette. Elle  demande à partir  pour ne plus subir et trouve refuge au sein de l'institution Saint Louis tenue par les Soeurs Trinitaires à Oran. Elle n'est pas assidue dans les cours qui lui sont prodigués, sauf dans le respect des prières.  A douze ans Eugénie part vivre chez une parente qui lui enseigne l'art des travaux ménagers, mais ce dont rêve la jeune adolescente c'est de faire du théâtre. A dix-sept ans elle s'enfuit pour rejoindre Marseille. Commence, alors, pour elle l'apprentissage de la rue et de la misère.

Quelques années plus tard, après mille aventures, elle trouve sa vrai vocation: le chant.

Le chant populaire, celui des pauvres gens, les refrains qui font du bien. Eugénie fréquente les cafés concerts montmartois et chante chez Bruant. Elle devint "la pierreuse" (la fille des rues) empruntant à l'une delle le parfait costume du personnage : un jupon, un corsage, un tablier et un petit foulard noué autour du cou. C'est le début de la gloire. Les artistes, les petites gens comme les plus aisées vont applaudir "la cigale de paris".

 En juillet 1895, un terrible incendie ravage les établissements Godillot rue Rochechouart détruisant la vie et l'espoir de centaines d'ouvriers. Faisant appel à la charité publique Eugénie et quelques camarades chansonniers et musiciens formèrent une troupe, allant chanter dans les rues, et les cours pour obtenir une obole financière entièrement reversée aux ouvriers démunis.  Il ne fut par rare qu'elle se retouva au poste de police qui craignait pour l'ordre public, mais son franc parler et sa détermination eurent raison des obstacles.

Elle devint, ainsi, la première chanteuse de rue et son aura et sa gloire populaire ne firent que commencer. En 1897 un ouragan frappa la banlieue de Paris, la ville d'Asnière-sur-seine fut dévastée, aussitôt Eugénie équipa un camion d'un piano et se rendit sur place avec ses musiciens pour apporter un peu de réconfort et d'aide aux sinistrés.

Elle parcourut le Monde, chanta pour adoucir les blessures des soldats des tranchées, fut reçue dans les palais royaux, chez le présidents et les plus hauts fonctionnaires, fût courtisée par les plus riches et pourtant  mourut dans un extrême dénuement.

Quel caractère! quelle femme! Quelle grandeur d'âme!

En 1967 Barbara reprend la chanson d'Eugénie  "A Saint Lazare".

Titre que Véronique Sanson interprètera aussi lors de son Olympia en 1989

Le cinéma fait appel à Eugénie, elle sera Laetizia Bonaparte dans le mythique Napoléon d'Abel Gance dont le tournage s'échelonne de 1936 à 1931. le film est d'abord muet puis sonorisé à partir de 1934 mais Nini ne l'entendra pas. 

Jean Renoir fit interpréter son rôle par Edith Piaf dans le film  "French Cancan" sorti en 1955.

Marlene Dietrich s'inspira de Nini Buffet pour son personnage de Amy Jolly, chanteuse de cabaret dans "Morocco" (coeurs brûlés) de Sternberg en 1931.

En 1930 Eugénie Buffet rédige ses mémoires.